où va l’état des droits au Brésil ? – Revue USP

La défense de l’État de droit a été un moment crucial dans la période précédant les élections de 2022, désamorçant la menace d’un coup d’État qui se profilait alors. L’investiture de la Présidence du Tribunal supérieur électoral (TSE) la semaine suivante, avec le Président de la République contenu, sinon acculé, dans les attaques contre l’institutionnalité et les machines à voter électroniques, en est une démonstration. L’impressionnante performance de la justice électorale, révélant en cinq heures le résultat des nombreuses élections simultanées dans le pays, a montré une image de civilité démocratique. La normalité et les résultats ont fait taire les critiques – du moins jusqu’à présent. Les machines à voter électroniques ont été à nouveau légitimées comme un atout de la démocratie brésilienne.

Si de ce point de vue l’Etat de droit a été victorieux, l’abus du pouvoir économique et politique, avec l’aval d’Auxílio Brasil à la veille des élections, et le budget secret dopant le pouvoir local ne laissent plus la même certitude. Un autre mouvement de cette stratégie gouvernementale vient avec l’annonce d’anticipation du versement du 13ème aux bénéficiaires de l’aide et autres risques de l’utilisation électorale des machines gouvernementales. Quelqu’un va-t-il enquêter ? allez-vous punir ? Ou tout va-t-il s’arranger, sous l’aval d’une législature désormais intégrée par les « politiciens-magistrats » Moro et Dallagnol ? Ce dernier, rappelons-le, a intégré la délinquance anti-institutionnelle dans sa campagne, qualifiant le STF de « maison de Mère Joana ».

Cela ne semble pas être un problème limité au moment électoral. Même si l’on ne croit pas aux théories du complot qui évoquent la possibilité d’une destitution des ministres du STF, en théorie facilitée par la nouvelle configuration du Sénat post-électoral – entre autres parce que le pacte conservateur commence à agir davantage à l’intérieur du système, donc, sans la nécessité de mesures spectaculaires au coût politique élevé – les perspectives des institutions juridiques qui garantissent les droits dans le pays peuvent être affectées dans l’ombre des menaces persistantes contre la démocratie. Ce problème va au-delà du renouvellement des sièges des tribunaux ; au Tribunal fédéral (STF) il y aura deux postes à pourvoir en 2023. Il ne se limite pas non plus à remettre en cause la position de certains ministres, comme l’absence des deux nouveaux venus dans le monitoring électoral du tribunal le 2 octobre.

Au-delà des questions institutionnelles, se pose un problème spécifiquement juridique, lié au fonctionnement du pouvoir judiciaire avec une large marge d’interprétation de la loi, au nom de l’effectivité de la Constitution, notamment au regard des droits fondamentaux, qui semble être en échec. Le néoconstitutionnalisme, mouvement né dans le contexte européen de l’après-Seconde Guerre mondiale, réservait un rôle contre-majoritaire aux tribunaux, c’est-à-dire pour prévenir les risques de décisions majoritaires incontrôlées, comme cela s’était produit en Allemagne sous le nazisme, il s’est produit en réponse à idée d’une Cour capable de faire de la Constitution une véritable norme, dont le respect pourrait être légalement garanti. Cela a laissé derrière lui le statut de simple document politique typique du constitutionnalisme du XIXe siècle.L’objectif du rôle élargi des tribunaux n’est pas de donner à des juges non élus le pouvoir de dominer les législateurs, mais de créer des instruments pour réaliser pleinement les objectifs de la Constitution et les lois. , sa rationalité substantive, en lieu et place du formalisme typique de l’ordre bourgeois libéral du XIXe siècle. « L’activisme judiciaire » est la déformation de cette construction avec l’envahissement du champ politique par les tribunaux, comme les exemples sont nombreux.

Mais, comme le montre le livre Succès suprêmes, organisée par des professeurs de la Faculté de droit de l’USP Fernando Facury Scaff et Heleno Torres, entre autres, la STF a consolidé tout au long de ses 34 ans une jurisprudence affirmative des droits, décisive pour une notion concrète de la dignité humaine. Il faut valoriser l’héritage de cette facette de notre Etat de droit démocratique, comprendre qu’une partie de la vague réactionnaire vient des mérites de cette construction et non de ses défauts.