Philippe Sands s’entretient ce samedi avec Juan Gabriel Vásquez au Hay Festival

29 janvier 2021 – 23h55
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LC Bermeo Gamboa, reporter pour El País

Les deux romans de Philippe Sands, «East-West Street» (2016) et «Escape Route» (2020), sont un regard en profondeur sur la psychologie des barbares modernes; des gens comme Hans Frank, l’avocat personnel d’Hitler et gouverneur nazi de Pologne pendant les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, qui a finalement été jugé et exécuté lors des procès de Nuremberg.

Mais les romans de Philippe Sands traitent aussi des victimes de la barbarie, des victimes qui avaient le devoir de nommer cette barbarie, comme les avocats Hersch Lauterpacht (qui a introduit la figure des crimes contre l’humanité) et Rafael Lemkin (créateur du concept de génocide. ), protagonistes de «East-West Street».

De même, d’autres victimes collatérales apparaissent, les enfants et les proches des barbares, des enfants qui ont découvert de nombreuses années plus tard qu’ils aimaient un monstre, comme c’est le cas avec Horst Wächter, fils du criminel nazi Otto Wächter, que Philippe Sands a interviewé pour son roman «  Escape Route ‘, qui raconte la vie secrète d’une tranquillité apparente vécue par le chef nazi, le cerveau de milliers de morts.

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Philippe Sands est également, à 60 ans, un avocat de renom spécialisé en droit international et droits de l’homme, qui est intervenu dans les procès de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour pénale internationale de La Haye, où des affaires comme celles du dictateur Pinochet, de la guerre en Yougoslavie, du génocide au Rwanda, de l’invasion de l’Irak et de Guantánamo.

Cependant, ses œuvres ne sont pas des études juridiques, ce sont des récits intimes puissants, basés sur des enquêtes précises et longues, où se révèle la fine ligne qui existe entre la justice et la vengeance.

Comment analysez-vous la prise du Capitole des États-Unis par les partisans de Trump?

Les événements du 6 janvier – le «putsch» de janvier – ont été profondément inquiétants. J’ai été impressionné par la vidéo courageuse d’Arnold Schwarzenegger. Je suis autrichien, dit-il, je sais comment les choses peuvent devenir incontrôlables. Il a raison. Je me souviens d’Otto Wachter, que je décris dans mon roman «Escape Route», a mené un coup d’État manqué en juillet 1934 en Autriche, puis s’est enfui à Berlin et est revenu triomphant 4 ans plus tard, en mars 1938. J’espère que cela n’arrivera pas. la même chose avec Trump, un populiste dangereux.

'East-West Street' (2016).

‘East-West Street’ (2016).

Spécial pour El País

Les deux principaux avocats de la «Calle Este-Oeste», parviennent à contenir leur soif de vengeance et émettent des concepts très nets lors des procès de Nuremberg, comment comprendre cette subtile différence entre un acte de vengeance et un acte de justice?

La justice est une forme de vengeance. Dans «Escape Route», le personnage principal est Otto Wächter, qui a été accusé de meurtre de masse. Il s’est échappé, s’est caché au Vatican et est mort dans des circonstances mystérieuses. Il n’a jamais été capturé ni jugé. La famille vit toujours avec les conséquences de ses actes. Mon livre peut être une forme de justice, je suppose, rendue littéralement.

Comment analysez-vous l’abus de langage pour adoucir la violence et minimiser son impact sur la réalité?

Les mots comptent et nous devons tous faire attention à la manière dont nous les utilisons. En général, c’est une bonne idée de donner aux mots un sens aussi précis que possible. Le terme génocide peut être interprété de différentes manières. Il y a une signification juridique, une signification politique et une signification quotidienne. Choisissez votre option!

A 12h00, Philippe Sands aura une conversation virtuelle avec Juan Gabriel Vásquez, dans le cadre du Hay Festival et avec le soutien du British Council. Vous pouvez participer gratuitement sur inscription préalable sur: www.hayfestival.com

Pour vous, quelle est l’importance de construire une histoire collective à partir des témoignages des victimes et des auteurs d’un conflit violent?

La loi et ses jugements sont un moyen de raconter des histoires, et les histoires, comme nous le savons, peuvent être racontées de plusieurs façons. Il y a des films – «Rashomon» ou «Run Lola Run» – où nous voyons le même moment sous différents angles. Il faut donc que ce soit avec la justice que nous formons. Plus il y a d’angles et de bosses, plus il est probable qu’une certaine forme de ce que nous appelons la «vérité» émergera.

Chaque pays a ses défis. La justice n’est pas un moment unique, c’est comme une rivière, qui va et vient, et finit par prendre un cours plus fort. La justice, comme une rivière, a besoin de temps.

«Route d'évasion» (2020).

«Route d’évasion» (2020).

Spécial pour El País

Quels sont les dangers pour les droits de l’homme aujourd’hui?

Je ne suis pas sûr qu’il y ait plus de violations aujourd’hui que par le passé, mais je suis sûr que nous en savons plus sur les violations qui se produisent. Nous devons être vigilants et comprendre que l’idée de justice et de droits de l’homme est un long jeu, pas un seul jeu, mais de nombreux jeux sur de nombreuses saisons.

Comment comprendre que des gens comme Hans Frank, malgré leur haute culture, ont cédé à la barbarie nazie?

C’était un homme ordinaire, intelligent et cultivé, c’est vrai. Mais il était aussi faible, peu sûr de lui, narcissique et ambitieux. Ce n’est à aucun moment une bonne combinaison, comme Donald Trump nous l’a montré si graphiquement.